Les visiteurs du soir

2016

Je travaillais dans un restaurant spécialisé de poissons et fruits de mer près de Saint Germain en Laye. Un dimanche soir, très calme car à quelques jours de noel les gens se préparaient aux festivités à venir.

Un couple de personnes agées entre, ils avaient plus de quatre-vingt ans, je les installe, sur leur demande, dans la salle non fumeurs, celle qui m’avait été attribuée et qui comptait ce soir là une seule table.

La prise de commande fut rapide, “deux soupes de poisson et une carafe d’eau, s’il vous plait jeune homme, vous savez à nos âges cela suffit le soir. L’homme, seul m’avait adressé la parole et avait répondu à mon « bonsoir madame, monsieur ». Son regard bleu était une promesse de bonté et d’amour à lui seul. La femme, me transperçait de ses yeux qui étaient noirs et semblaient chercher une faille en moi, je fus surpris par cette triple connexion, et par l’introspection immédiate qu’elle généra en moi.

L’addition fut rapidement demandée et posée aussitôt ! Il mit la main dans la poche de son costume sans regarder et déposa dans la coupelle une poignée de monnaie, que je n’entendis même pas tinter. Je remis l’argent à Claire, ma responsable, qui était à la caisse juste en face de nous, Claire compta les pieces, le compte était bon. Je les aidais l’un et l’autre à enfiler leurs beaux manteaux bien chauds. Ils m’ont remercié de ma gentillesse et ont franchi la porte en souriant tous les deux. Je me suis senti satisfait de leur contentement.

Je suis retourné à la table pour finir de débarrasser et j’ai vu une enveloppe blanche sur le sol. Je l’ai signalé à Claire, l’ai ramassée et j’ai relevé la tête. Ils venaient juste de passer devant la fenêtre sur le coté, alors j’ai decidé de les devancer en passant par la porte de service qui donnait directement sur le parking.

Je l’ai ouverte et suis sorti pour attendre leur obligatoire passage, devant moi. Mais rien, ils ne passent pas, leurs petits pas lents ne les ont pas menés devant cette porte destinée à la livraison des marchandises, l’accès direct à la cuisine. Je regarde encore une fois dans l’allée étroite, bordée d’épais buissons qu’ils avaient empruntée. Les quelques voitures présentes sur le parking sont vides de toute lumière et de toute vie.

Je reste planté là, dehors dans le froid, avec l’enveloppe dans la main,et réalise au bout de cinq bonnes minutes, stupéfait de la surprenante visite et de cette volatilisation. Je reviens en salle et Claire me signale que je suis tout blanc elle me lance : « T’as vu un revenant? ». Elle n’en revins pas non plus quand je lui expliquai que oui et qu‘elle les avaient vu aussi ! Elle eu un rire nerveu pendant plus d’ une heure, n’osant pas, tout comme moi, ouvrir cette envelope.

Je le fis tout de même et j’y trouvai un billet de cent francs, que je n’ai pas considéré comme un pourboire et que j’ai remi dans le tronc du sacré cœur, quelques mois plus tard, aux beaux jours.

Christophe Dy pour AVS/2016

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